Il fut un temps où la sculpture correspondait à des pratiques académiques très codifiées. Alors qu’on hésitait encore à qualifier de «sculptures» les objets monolithiques du Minimal art, la «sculpture», avec l’explosion des pratiques qui a accompagné les années 1970, a alors pu désigner, dans le mouvement d’une d’émancipation ambiante, à peu près n’importe quoi, et s’hybrider sans complexes avec des attitudes (devenues formes, pour rappeler le titre d’une exposition phare d’Harald Szeemann) telle que la performance : qu’on pense par exemple aux Living et Singing Sculptures (1970) de Gilbert et Georges en Angleterre. Des One Minute Sculptures on a retenu quelques images aujourd’hui familières. De ce fait même, ce que la commissaire de l’exposition Mathilde Hiesse insiste pour nommer une réactivation pouvait sembler relever de la gageure. En réalité, une telle démarche va tout à fait dans le sens d’un artiste facétieux cultivant une forme d’humour slapstick, l’œuvre devenant ainsi une sorte de running gag. Et ici la nature processuelle de la série a été respectée : à partir de dessins dont certains datent de 2008, des membres d’associations locales ont été mis à contribution pour activer les procédures proposées par Wurm, et accrocher eux-mêmes les tirages photographiques au mur. Se mettre une bassine sur la tête, jouer avec des élastiques avec ses doigts, coincer des bananes entre ses jambes et ses bras : autant d’actions humoristiques, qui ne sont pas sans rappeler les Actions-peu de Boris Achour (1993-1997), immortalisées par des images qui revêtent le caractère anodin de la photo-souvenir. Tout ici indique le refus du sérieux, la désacralisation de l’art, jusqu’à la facture simpliste des dessins qui illustrent les actions à accomplir. Les One Minute Sculptures semblent faire un pied de nez à la fois aux formes les plus violentes et les plus spectaculaires de l’art corporel, au hiératisme photographique des épigones de l’école de Düsseldorf, aux très sérieux protocoles de l’art conceptuel le plus aride et, plus généralement, à une société soumettant l’individu à une obligation de résultat — prendre une minute de son temps pour accomplir un geste aussi improductif que poétique… La «quotidienneté-aidée» que nous donne à voir Erwin Wurm, à l’image du «ready-made aidé» de Duchamp, semble nous poser cette question : l’art est-il vraiment important ? Cela me rappelle cette phrase d’un ami artiste : «les artistes ça n’existe pas, je le sais parce que j’en suis un»…