La rubrique Global Terroir naît pour valoriser les scènes artistiques émergentes éloignées des grands centres culturels en donnant la parole aux auteur.trice.s, artistes, écrivain.e.s locaux, afin de proposer un regard critique sur leurs environnements. Après Malmö (Suède), Porto (Portugal), Bangkok (Thaïlande) et Le Cap (Afrique du Sud), cette année nous avons décidé de mettre à l’honneur celle plus établie de Beyrouth, nous écartant momentanément ainsi des lignes directrices de notre rubrique.
Suite aux vicissitudes historiques et à la proximité culturelle entre nos deux pays, la France et ses institutions ont toujours veillé au contexte artistique du Liban. Ces dernières années, plusieurs expositions d’envergure ont été consacrées à des artistes libanais : Le Centre Pompidou en 2015 a dédié une grande rétrospective à Mona Hatoum, le Jeu de Paume et le CAPC de Bordeaux ont collaboré avec Ali Cherri dans le cadre du programme Satellite 10, le couple Joana Hadjithomas et Khalil Joreige ont remporté le Prix Marcel Duchamp en 2017, ou encore en 2014 le Carré d’art à Nîmes a présenté la première rétrospective muséale en France de Walid Raad et ses recherches menées dans le cadre du projet Atlas Group (1989 – 2004).
Le choix de Beyrouth résulte de l’envie de parler du dynamisme culturel de cette ville, de son contexte artistique actuel avec ses problématiques dans une situation de changement constant suite à la fermeture de certains projets historiques comme 98weeks Research Project, le démarrage de nouvelles initiatives comme la Beirut Art Residency et ses projets annexes (Project Space, La Vitrine), l’ouverture de la CUB gallery, le lancement de fondations privées comme la Aïshti Foundation, la réouverture du Sursock Museum et la future édification du Beirut Museum of Art (BeMA) prévue pour 2020.
L’écrivaine Rayya Badran, professeure à l’American University of Beirut et à l’Académie Libanaise des Beaux-Arts, nous parle de l’évolution des lieux d’art à Beyrouth et de la situation précaire et incertaine qui font émerger de nouvelles formes de production et de savoir dans un scénario où l’absence quasi totale de financements publics a développé un système de parrainages voyant les banques et les entreprises privées jouer un rôle de plus en plus important dans l’élaboration du contexte local.
La recherche de modèles alternatifs de fonctionnement et de financement de projets artistiques, qui se manifestent dans Mansion - un projet démarré par l’artiste et architecte Ghassan Maasri - nous est présenté par la curatrice et écrivaine Rachel Dedman, partie intégrante de cette initiative. Dans son texte, elle situe Mansion et ses activités comme point de départ afin de se relier aux pratiques d’artistes libanais.e.s comme Abed Al Kadiri, Gregory Buchakjian et Ieva Saudargaité, qui questionnent les changements du contexte économique, social et architectural dans la Beyrouth d’aujourd’hui.
Enfin, Sirine Fattouh, artiste et chercheuse, traite les conséquences de l’amnistie institutionnelle de 1991 et le rôle central de la mémoire collective dans le travail de la première génération d’artistes de l’après-guerre. Elle reprend et analyse certaines œuvres majeures à l’origine de la scène artistique libanaise contemporaine, notamment Objects of War, installation vidéo de l’artiste Lamia Joreige et le film Ashbah Beirut (Beyrouth fantôme) du cinéaste Ghassan Salhab.