Paris Bercy n’est donc pas qu’un terminus pour marchandises. A quelques kilomètres de cette idée reçue, j’arrive dans l’humidité du Parc Saint Léger. L’île de Xavier Veilhan flotte toujours dans le cresson. 2010.11.18 17h08. Des prismes de bois m’indiquent la présence de Benoît Billotte. L’autre résident affine l’installation de la Maison CéFêT : François-Thibaut Pencenat et sa complice ouvriront bientôt ici leur maison jaune. Dans le centre d’art, des ronronnements mécaniques rompent le silence de Pougues-les-Eaux. Keren Brätsch projette dans des recoins des dizaines d’images militantes alors que de grandes peintures trônent dans le volume principal. 2010.11.18 20h56. Le soir même, dans la Chapelle Sainte Marie à Nevers, Claude Cattelain répète des tentatives d’érection. Atteignant pourtant d’impressionnants sommets, ses efforts sont voués à l’effondrement, magistral. Dans une esthétique similaire de bâtisseurs, Marcel Hiller et ses potes reconfigurent la façade et le contenu de la Galerie Arko. Après une nuit dans les brumes pouguoises, un train me reconduit au cœur de la préfecture de la Nièvre pour une escale par sa cathédrale, probablement l’édifice religieux flanqué de la plus grande hétérogénéité de vitraux contemporains. C’est à Bourges que la journée continue avec sa 5e Biennale d’Art Contemporain déployée dans la cité en treize stations. 2010.11.19 11h03. J’embarque dans un convoi pour la Friche Culturelle afin de ressentir les vidéos du Haïdouc, les effluves du Transpalette, puis les températures de Stephen Dean dans une superbe construction cylindrique où l’on tourne jusqu’au vertige. L’École des Beaux-Arts recueille un film de Salma Chaddadi. Trois artistes en résidence nous ouvrent leur atelier. Et Stéphanie Nava dissémine des pièces récentes à La Box. Ses grandes surfaces graphitées restent ici ce qui me séduit le plus. Françoise Vanneraud présente au Musée Estève des feuillets éphémérides : il faudrait venir ici chaque jour pour en voir la totalité. Dépassons maintenant les remparts pour atteindre le Pavillon d’Auron que l’on pénètre par une rampe dont nous découvrirons ultérieurement les fantaisies. Une large halle permet là de réunir très confortablement trente artistes qui forment Panorama. Beaucoup d’heureuses retrouvailles et quelques découvertes rythmèrent ma visite. Un troublant sentiment se cristallise cependant, voisinant celui qui se dessine généralement dans ce type de manifestation consacrée à la jeune création : perturbante est la proximité formelle que beaucoup de nouveaux partagent avec leurs ainés, même de quelques années. Intelligence ? Déférence ? Ignorance ? 2010.11.19 14h56. S’il ne me faut retenir qu’un trentième de la manifestation, j’évoquerai la proposition de Guillaume Linard Osorio frisant à la fois ce constat tout en excitant ma propre sensibilité. Ailleurs, le Palais Jacques-Cœur est une réelle punition à visiter par sa cinquantaine de portes étroites qui fragmentent l’itinéraire de Sabine Massenet en un satané labyrinthe. Eui-Suk Cho assemble des briques textiles près de la grandiose cathédrale. Et sur la pente qui reconduit au Pavillon, je croise une jeune femme en fauteuil roulant qui négocie dangereusement la topographie accidentée du trottoir. Malgré ma complicité, la descente est sportive, et la fascination de Raphaël Zarka pour la glisse urbaine prend un sens nouveau. Plus bas, le Muséum d’Histoire Naturelle accueille Laurent Duthion dont l’œuvre est désactivée. J’interroge un agent pour m’assurer qu’il s’agissait bien d’un film, et on me répond avec assurance que non, ce n’était qu’une petite projection. Ce joli commentaire me satisfait. A la Médiathèque, une autre petite projection, de Jérôme Fino, donne à voir un piano se faisant tendrement martyriser les cordes. Et dehors, sur le parking, je retrouve la fille en VHP, victime cette fois d’un obstacle. L’œuvre du collectif Raum était trop loin pour amortir son choc, et son visage ensanglanté témoigne de l’agressivité latente de notre environnement. 2010.11.19 17h22. Les manifestants de Mircea Cantor et leurs pancartes inquisitrices nous avaient pourtant mis en garde.