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Introduction

par Benoït Lamy de La Chapelle

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Dans le champ de l’art contemporain, ouvert sur le monde et soucieux du devenir des hommes, des êtres vivants et de l’environnement, les initiatives et les projets axés vers le politique, le social, l’économie ou l’écologie ne manquent pas et les actes tels que le militantisme et l'autonomie s'érigent en modèles. Pourtant, à la lecture de ces projets ou si l‘on tente de mesurer la portée de chacune de ces initiatives, subsiste une frustrante impression d‘inachevé, comme si ces projets, a priori très enthousiasmants, n’apportaient en réalité qu‘une caution intellectuelle à ceux qui les organisent, en restant sans suite voire pire, sans effet. Beaucoup d’entre eux exaspèrent par leur maladresse et leur altruisme de façade, et leur récurrence, en ces temps de crise, de remous politiques et de fascisme soft, loin de stimuler, ne cesse de nourrir une désagréable sensation d’impuissance.

Simultanément apparaît dans nos sociétés le besoin de se prendre en main, de revenir aux sources et de trouver des solutions alternatives de replis. Beaucoup d'artistes, de programmateurs artistiques, de commissaires souhaitent prendre en charge l’existence de leur travail, se substituer à l'institution − alors que nous vivons de plein fouet l’échec du «néo-institutionnalisme»1− et au marché dont il semble difficile de se détacher. Certaines démarches artistiques ou curatoriales récentes2 (bien que directement associées aux institutions et au marché) démontrent qu'il y a là une recherche de mysticisme et de sensation dont le sujet se sent privé dans le monde contemporain. Mais toujours demeurent les interrogations suivantes : souhaitons-nous réellement nous déprendre de notre cadre institutionnel pour poursuivre notre activité? Ne craignons-nous pas les conséquences de ce saut dans le vide? Et qu'en est-il du rapport au public dans ces conditions? Par quels canaux passer tout en évitant celui de l'industrie culturelle de masse, comment les inventer? Certains prônent l'élitisme, l'entre-soi comme solution, en partie pour se protéger de la médiocrité ambiante. Il semble néanmoins difficile d'y voir là une solution au problème. Ne faudrait-il pas au contraire trouver un moyen de partager la construction de l'esprit critique, tel que celui du rapport au œuvres d'art et au monde, avec une plus large audience? Est-ce naïf de compter sur ce genre de méthode?

En consacrant ce dossier thématique aux questions soulevées par la communauté artistique, la recherche d'autonomie et de nouvelles modalités de travail dans un secteur toujours plus néo-libéralisé, nous souhaitons observer la manière dont certains artistes, programmateurs artistiques et autres militants culturels tentent d’expérimenter des idées, des discours et de se positionner face à de nombreuses incertitudes et paradoxes. Dans cette optique nous avons discuté de la communauté artistique sous la forme du « camp » à travers les expériences menées par l’artiste Maxime Bondu au travers de ses projets Monstrare Camp et Bermuda, nous nous sommes entretenus avec le collectif Escena politica, groupe de théâtre de Buenos Aires désireux de lutter contre le désarroi culturel, à propos de leur manière de perpétuer et de mettre à jour le militantisme et l'action politique, nous nous sommes intéressés à un exemple de remise en question de l’autonomie de l'artiste via une analyse de l'artiste Martha Rosler sur la redistribution et la "gentrification" des quartiers dans les grandes villes et nous avons échangé à propos de la diffusion de la création contemporaine dans les zones rurales avec les programmateurs de La Pommerie, structure active sur le plateau de Millevaches, en Corrèze. Si les artistes et les acteurs culturels ressentent l'urgence d'évoluer de manière autonome, il reste à savoir si les modèles et les initiatives proposés sont réellement viables. En effet, ces expérimentations courent toujours le risque d’en rester à ce qu' Alex Williams et Nick Srnicek nomment la « Folk-politique » à savoir des initiatives horizontales, localistes et des élans réactifs, affectifs qui, s’affranchissant de l’hégémonique capitalisme néolibéral, ne peuvent aboutir qu’à une inopérante cohabitation alors que celles-ci semblent souhaiter son effondrement3. « Résister » implique effectivement une protection de l’état antérieur, qui ne signifie pas reconstruire. Si ces initiatives demeurent malgré tout, selon les auteurs, un point de départ non négligeable pour produire des alternatives, il leurs reste à construire des projets sur le long terme, durables et expansibles, capables de travailler dans la complexité du monde contemporain et de se projeter à l’échelle globale.

 

 

 







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Monstare Camp, entretien avec Maxime Bondu