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@Ravisius Textor ou Ravisius Textor

par Carin Klonowski

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7 novembre 2020, j’arrive @ravisius_textor1 pour assister au vernissage de « Ce que savent nos mains », exposition de restitution de la résidence de Yoan Sorin au sein du DnMade Espace de l’École Supérieure d’Arts Appliqués de Bourgogne, sur une proposition de Franck Balland. La connexion internet n’est pas au top, mais il y a du monde, et l’artiste est masqué, portant sur son visage les sculptures réalisées avec les étudiant·e·s pendant les dix jours de résidence. Il·elle·s sont là aussi, je peux lire leurs réactions ♥♥♥2

Quelques semaines plus tôt, en allant dans « Téléchargements : 2020_OFFICINA_CORNU_WEB-.pdf », je découvrais Ravisius Textor, librairie-galerie-atelier dans le centre de Nevers. Ce qui m’arrêtait dans un premier temps, c’était de constater page 2 le nombre remarquable de participant·e·s que le projet compte et a compté (j’allais découvrir que la liste se prolongeait page 152). En avançant de la page 6 à 43, j’apprenais l’histoire du lieu, ouvert en 2017 et fondé par l’association Tombolo Presses3, aménagé et géré en collaboration avec des étudiant·e·s de l’ÉSAAB. Le lieu se constitue donc d’une librairie spécialisée dans le graphisme, l’art contemporain et le design, d’un espace d’expositions et d’événements – certains s’étendant même sur la rue devant le local – et d’un atelier de risographie.

Je revenais sur mes pas, pages 28-29 : Ravisius Textor, alias Jean Tixier de Ravisi, était un humaniste nivernais du XIVe siècle, l’un des premiers compilateurs et inventeur de la forme anthologique de la cornucopiae, ou corne d’abondance. RT n’a pas volé son nom : en scrollant les deux ans et demi d’existence du lieu, je voyais qu’il avait accueilli des expositions de jeunes artistes et d’artistes plus confirmé·e·s, de diplômé·e·s et d’étudiant·e·s de l’ÉSAAB, permettant par là des rencontres, s’offrant comme « galerie d’essai », un espace ouvert sur un extérieur à l’école. C’est également un lieu de création in progress, proposant workshops, ateliers, summer schools, temps de recherche. S’y sont aussi déroulés des conférences, des performances, des concerts, des lancements de publications…

Les récentes restrictions sanitaires n’ont pas découragé RT d’organiser des expositions, à l’image de la version en ligne de celle consacrée à Jean Tixier de Ravisi, sur la forme de la compilation (présentant des ouvrages renaissants et contemporains en une série de vidéos réalisées avec des étudiant·e·s du DnMade Graphisme). La summer school Never(s) Have I Ever a également été adaptée en l’exposition « Pas le choix », exposition d’affiches de Valentijn Goethals & Thomas Lootens, Corbin Mahieu, Ine Meganck & Chloé D’Hauwe, jeunes graphistes issu·e·s de l’école Sint-Lucas de Gant, dont la visibilité n’était garantie que pour une personne à la fois.

De Ctrl + Tab en Ctrl + Tab, d’onglet en onglet, entre .pdf, @RT et url4, je parcourais la riche documentation de toutes leurs activités, restant frappée par la tenue du projet. Tout est pensé de bout en bout, de l’aménagement intérieur (dessiné et en partie réalisé par David des Moutis, avec l’aide d’étudiant·e·s actuel·le·s et ancien·ne·s) à la communication (réalisée par le studio de création graphique Syndicat, Ninon Chaboud et Jimmy Cintero, graphistes indépendant·e·s, issu·e·s de l’école), à l’implication et la mise en relation des acteur·rice·s.

De cette visite, il ressortait donc une image prégnante : celle d’une somme, de multiples strates d’activités et de protagonistes, de mises en lien entre celles et ceux-ci, et de forte implication dans la transmission et la pédagogie. C’est ce que me confirmaient Thierry Chancogne et Florence Aknin peu avant la restitution de la résidence susmentionnée. Tou·te·s deux membres de Tombolo presses, co-fondateur·rice·s de RT et enseignant·e·s à l’ÉSAAB, il·elle·s m’accueillaient sur leur 06. Tout comme la revue Tombolo, sorte de socle de Ravisius Textor, l’ambition première du projet est celle d’un espace pédagogique, offrant un partage de connaissances, de dynamiques, et faisant du lieu une ouverture hors école autant que sur un réseau international, chose essentielle dans une petite ville au cœur de la diagonale du vide (qui a par ailleurs vu récemment annoncer la fermeture d’un centre d’art voisin, le Parc Saint Léger de Pougues-les-Eaux). Le projet, comptant de nombreux·ses bénévoles, est par ailleurs soutenu à l’échelle locale et nationale : Tombolo Presses et RT bénéficient du soutien de la DRAC Bourgogne-Franche-Comté et du Centre National des Arts Plastiques, coéditent avec des centres d’art, des fondations d’art contemporain et établissent des partenariats avec des écoles d’art et de design. Au cours de cette riche discussion, Thierry et Florence insistaient sur la conception de l’espace et de ses activités comme une pratique éditoriale, idée plus que stimulante si l’on considère les notions d’ouvrage, d’édition, de publication comme des champs plus larges que l’édition papier, devenant alors des problématiques de présentations, d’itérations et d’identités visuelles. C’est en cela que Ravisius Textor affirme le graphisme d’auteur·rice comme une pratique artistique à part entière, non subordonnée à une autre discipline artistique.
Il·elle·s concluaient notre échange sur l’espace physique – dont je bénéficiai d’une visite exhaustive quoique distancielle –, sur les récents travaux de l’atelier de risographie, de la librairie, de l’espace d’exposition, ce qui confirmait mon envie de rencontrer RT « IRL », au plus vite.







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